Le soleil gallois s'était levé à peine quelque heures auparavant, mais déjà il brûlait la peau de ceux qui s'aventuraient sous ses rayons. Margot ne se souvenait pas avoir connue un début d'été aussi chaud, mais était la dernière à s'en plaindre. Si, à Londres, elle croisait en permanance des Moldus transpirants, incapable de résister face à l'astre ardent, elle et ses confrères magiques parvenaient, de quelques coups de baguette, à ne pas succomber à ces monstrueuses températures. Ainsi, alors qu'elle sortait dans le jardin du manoir Rosier, en ce milieu de matinée, elle ne sentit qu'une légère brise tiède lui frôler la peau.

Sa baguette levée, son sortilège de Lévitation promenait un plateau que Pokpy avait lui confectionné, le garnissant d'un thé, d'oeufs brouillés et de lard fumé. L'elfe était plus que ravi de retrouver sa maîtresse, exceptionnellement de retour pour ce week-end. Le couple Malfoy avait dû rendre visite à la famille de Margot pour leur annoncer l'arrivée prochaine de leur premier enfant; une nouvelle qui avait enchanté tout le monde, à la fois les sincères et les hypocrites. Margot était, évidemment, tout à fait heureuse de retrouver les siens - qui plus est, dans des circonstances aussi réjouissantes - et tout particulièrement son plus jeune frère, avec qui elle regrettait de ne pas passer plus de temps. C'est d'ailleurs Marius qu'elle retrouve assis à la table du jardin, seul, déjà affairé à manger son petit-déjeuner. Elle lui adresse un sourire quand il lève la tête, après l'avoir entendue s'approcher, et fait se poser son plateau sur la table. Elle rabat les pans de sa longue robe de chambre blanche contre sa poitrine, prend place en face de son frère, et range ses courtes boucles brunes dans son dos. Elle n'attend pas de commencer son repas pour prononcer ses premiers mots. Bien dormi, Marius?

Un sourire étrange se dessine sur les lèvres de Margot à l'entente de la réponse de son frère. Elle ne le croit pas. Il porte la fatigue sur son fatigue, à la fois celle de cette nuit et celle qu'il a accumulée ces derniers-temps. Et même si elle n'était pas parvenue à lire sur son visage avec autant de brio, elle n'aurait eu qu'à voir la façon dont il avait tourné la tête, rivant son regard sur le long jardin du manoir qui s'étendait en face d'eux. Il prend un gorgée de thé, et la dame fait de même, portant à ses lèvres sa tasse encore brûlante. Je vois ça. Tu as extrêmement bonne mine. Quoi, n'était-ce donc pas le jeu auquel il jouait ? Le même que lorsqu'ils étaient enfants, qui consistaient à dire tout le contraire de ce que l'on pensait? Elle n'attend pas une seconde de plus pour attraper ses couverts, et entreprend de couper un premier morceau de lard. Le silence s'abat sur eux, et Margot espère que son cher petit frère profiterai de ce calme pour se rendre compte, une énième fois, qu'il ne pouvait rien lui cacher. Les Rosier, elle les connaissait tous par coeur, il quand il s'agissait de fratrie, rien, rien ne lui échappait. C'est sans daigner lever les yeux de son assiette qu'elle parle à nouveau. Tu n'as pas à faire comme si tout allait bien avec moi, petit frère. Tu sais très bien que ça ne fonctionne pas. Elle prend une première bouchée du petit-déjeuner de Pokpy avant de nouer leurs deux paires d'yeux - sombre contre clair, terre contre ciel. N'as-tu donc aucune bonne nouvelle à m'annoncer ?

Elle penche légèrement la tête sur le côté en entendant la question rhétorique de Marius, levant les yeux vers le ciel, un doux sourire gravé sur ses lèvres encore non maquillées. Evidemment qu'elle était au courant. Peu de secrets restaient cachés de Margot Malfoy, elle qui s'en nourrissait, elle qui savait faire tomber les masques et délier les langues. Il est le premier à baisser le regard, non sans avoir lutter, pour tartiner une tartine de brioche, alors que Margot porte sa tasse de thé à ses lèvres, une main sur son ventre encore plat. Son sourire s'élargit alors que le jeune médicomage parle à nouveau, et elle repose délicatement sa tasse sur sa sous-coupe. Elle se souvenait parfaitement du moment où leur nouveau chef de famille avait annoncé à l'aînée cette décision à la fois étrange et intelligente qu'il avait prise. Elle essaie de cacher son bonheur, Margot. Car si elle est presque aussi bonne politicienne que son cher Jules, elle pensait d'abord et avant quoique ce soit d'autre au bonheur de sa famille. C'était tout ce qui lui importait. Eh bien ! Est-ce ce dont ton visage à l'air quand tu es heureux ? Car Marius semblait si loin de l'être... Et pourtant, elle pouvait sentir qu'il l'était, peut-être même sans le savoir. Savait-il seulement à quel point elle voyait tout ? Que même à Poudlard, la diplomate n'avait pu s'empêcher de remarquer la proximité que tout le monde pur verrait comme toxique entre son cher petit frère et une Greengrass ? Elle mentirait en disant qu'elle ne trouvait pas tout cela réjouissant. Car non seulement son frère se porterait bien mieux, mais il s'agissait bien là d'un début de changement - et le changement, c'était tout ce que Margot avait toujours voulu